Architecture et technique

Une tour d’escalier de secours complémentaire et réversible

Texte : rédaction / Photos : Markus Käch

Ancienne école cantonale datant de 1893, le Fach- und Wirtschaftsmittelschulzentrum situé au 10 Hirschengraben constitue, avec l’église des Franciscains, le bâtiment du gouvernement et l’église des Jésuites, deux espaces urbains sous forme de cour dans le quartier Kleinstadt à Lucerne. L’édifice actuel, construit dans le style néo-Renaissance, séduit par sa structure claire et l’élégance de sa façade. L’aula représentative du centre scolaire du degré secondaire II ne répondait plus aux prescriptions relatives à la sécurité des personnes. Sa voie d’évacuation n’était prévue que pour 80 individus.
En 2019, la société lucernoise Roman Hutter Architektur GmbH (RHA) a été mandatée pour réaliser l’étude préliminaire. Au vu des caractéristiques architecturales de ce bâtiment historique, celle-ci a rapidement révélé que la seule solution envisageable était une voie d’évacuation directe vers l’extérieur, avec cage d’escalier de secours autonome.

 

 

Une vue sans obstacles

« Nous voulions concevoir une tour d’escalier réversible et complémentaire à l’existant», explique Céline Burgener, responsable de projet chez RHA, lors de la visite du site. Elle ajoute : « Il était important pour nous de préserver le plus possible la vue sur le bâtiment historique depuis l’extérieur. Nous avons donc détaché la tour d’escalier de la façade existante pour la placer dans le prolongement direct de l’angle nord-ouest de l’aula. Ainsi, la façade de l’aula reste visible depuis l’ouest comme depuis le nord, et la tour d’escalier s’intègre dans l’espace vert alentour. »

 

La vue à travers les baies vitrées représentatives du bâtiment sur la Franziskanerplatz ne devait pas non plus être entravée par une tour extérieure. Aujourd’hui, l’ancienne armoire intégrée en bois située dans un coin de la pièce sert de porte de secours menant à la tour d’escalier. On accède à la nouvelle voie d’évacuation par un petit escalier en bois à l’intérieur. Cette solution n’a eu qu’une incidence marginale sur la précieuse substance du bâtiment et a permis de conserver ses éléments décoratifs marquants. 
Avec une distance d’environ 6,5 m par rapport à l’angle de la façade, la tour en métal et son treillis en spirale en alliage de cuivre est à la fois discrète et autonome. La forme de la tour d’escalier et son revêtement métallique cherchent à se fondre dans l’existant et s’intègrent ainsi discrètement dans le cœur sensible de la ville.

 

Une structure porteuse intérieure

La tour d’escalier de 11 m de haut repose sur un socle en béton bien visible et mesure env. 4,5 m x 4,5 m en plan. Son enveloppe n’est cependant pas carrée : elle se compose en effet de 12 segments, tous posés à un angle de 45° par rapport au carré métaphorique.
Vus de l’extérieur, les segments des surfaces latérales affichent une forme convexe et sont légèrement pliés les uns par rapport aux autres. En y regardant de plus près, on constate que la trame verticale de la partie inférieure est deux fois plus étroite que celle de la partie supérieure de la tour. La grille plus étroite au bas de celle-ci rend la structure plus résistante en cas de vandalisme.
L’épine dorsale de la construction de l’escalier est constituée d’une structure porteuse interne. Quatre piliers rectangulaires en acier RRW mesurant 120 x 120 x 10 mm forment ainsi le noyau de 1,30 m x 1,30 m, qui s’étend jusqu’au point le plus haut. Avec l’escalier en colimaçon à limons en acier et les profilés verticaux extérieurs, il constitue l’élément stabilisateur statique de la construction.

Doté de marches en caillebotis, l’escalier à limons en acier s’enroule deux fois à 360° jusqu’en haut et comporte huit paliers d’angle ainsi que huit volées d’escalier. L’ossature extérieure verticale, où est également fixé le treillis en spirale, se compose de segments de trames individuels étroitement assemblés les uns aux autres, vissés et reliés à la couronne de toit en haut. Tous les profilés affichent une forme en T, avec barre vers l’extérieur. Ils ont été fabriqués en pliant des tôles d’acier découpées au laser. Les contours en T sont formés par deux cornières en tôle jointes l’une à l’autre. Celles-ci présentent différents angles de pliage selon la géométrie de l’assemblage.
« Le plan géométrique particulier de l’enveloppe extérieure s’est répercuté sur presque tous les éléments de construction et a nécessité de nombreux ajustements », explique Roger Pfister, responsable technique de l’entreprise chargée des travaux, Schlosserei Andreas Rohrer AG de Kägiswil. Il ajoute : « Cette diversité ne concerne pas que les profilés. Il a également fallu tenir compte des angles correspondants des marches et des grilles en caillebotis et toutes les réaliser avec des coupes en biais. Même la porte d’accès supérieure à un vantail de la tour présente un pli vertical en son centre. »

  

 

Une grille métallique pour l’enveloppe extérieure

« L’enveloppe extérieure devait être stable, de couleur bronze et transparente sous tous les angles », explique Céline Burgener. Elle précise également : « Nous avons testé de nombreux treillis en acier différents, mais nous n’avons jamais été vraiment satisfaits. En poursuivant nos recherches, nous avons découvert chez Sennrich AG un treillis en spirale en cuivre avec laitonnage. Notre décision était prise : ce treillis répondait à toutes nos exigences.
Pour le revêtement et la sécurisation du jour de l’escalier au centre de la tour, nous avons recherché une solution à mailles plus larges et avons opté pour le Webnet de Jakob Rope Systems. Ce filet en acier inoxydable est doté d’un revêtement doré PVD (procédé de revêtement sous vide). Le choix des couleurs n’a pas non plus été facile : nous avons comparé de nombreuses nuances dans des conditions d’éclairage très variées, en collaboration avec le service cantonal des monuments historiques, avant d’opter pour le revêtement par poudre en IGP-HWF classic 5903, 5903 E82303 S3F. » 

 

Le pont d’accès à la tour

Une passerelle horizontale de 8,5 m relie la porte de secours du bâtiment existant à la structure porteuse intérieure de la tour, où elle est vissée à des étais tubulaires en acier. Deux poutrelles UPE 200 parallèles forment la structure porteuse primaire. Également en forme d’angle, la main courante et les montants de garde-corps sont fabriqués en tôle d’acier courbée. Les rayons créés par le pliage donnent une forme particulièrement agréable à la main courante. Les montants en forme de T disposés à intervalles réguliers sont vissés sur le dos extérieur de l’UPE. Le treillis en spirale est monté à l’extérieur et tendu de haut en bas.

 

Un montage en plein air

« Heureusement, notre entreprise dispose d’une équipe expérimentée et bien rodée, ce qui s’est avéré un atout pour ce montage hors du commun », explique Roger Pfister. « Pour commencer, poursuit M. Pfister, il a fallu hisser les quatre supports tubulaires jusqu’à leur emplacement et les ancrer aux fondations. La structure porteuse du pont a ensuite été fixée au bâtiment existant et aux supports. Le montage et le vissage des limons intérieurs sur les quatre supports nous ont déjà permis d’obtenir une certaine stabilité de base. Puis il y a eu l’assemblage un peu plus complexe et bancal des éléments inférieurs du cadre et des limons extérieurs. Il a fallu répéter le tout avec les éléments supérieurs, beaucoup plus hauts. Enfin, le cadre de toit avec ses liaisons en acier plat, que nous avions réalisé en deux parties, a été posé pour couronner le tout. »

 

Il a ensuite fallu recouvrir le tout avec le treillis en spirale. Suspendues à une barre tout en haut et fixées au cadre du toit, les différentes bandes ont été déroulées vers le bas à l’intérieur. Un mécanisme de serrage spécial, composé de vis de traction et d’une série de languettes individuelles insérées comme un peigne dans les mailles du treillis en spirale, a permis d’obtenir un recouvrement équilibré. Une tige de guidage a ensuite été introduite verticalement. Pour la maintenir sous tension, il a fallu intégralement relier deux treillis à la verticale à l’aide d’un câble métallique tressé. Les raccordements électriques ont été réalisés une fois le montage terminé. Leurs conduites d’alimentation sont toutes intégrées de manière invisible dans les cavités des profilés.

 

Conclusion

Compte tenu de la situation du bâtiment en zone A protégée, de sa proximité immédiate avec plusieurs objets protégés et de son importance intrinsèque, il s’agissait en outre d’étudier et de remplir les exigences élevées de qualité et d’intégration dans le contexte urbanistique posées par le service des monuments historiques et la protection des sites.
Le résultat est un ouvrage qui, grâce à son élégance discrète, s’intègre naturellement dans l’existant. Les différentes ambiances lumineuses au fil de la journée et de l’année mettent subtilement le lieu en évidence. ■