Direction d’entreprise
Succession dans une entreprise familiale
Selon l’étude « Succession des PME en Suisse 2023 » du service d’information économique Dun & Bradstreet, 15,1 % des entreprises suisses sont actuellement confrontées à un problème de succession imminent. Au total, quelque 93 000 PME le sont. Les micro et petites entreprises du secteur de la transformation des métaux sont également particulièrement touchées.
Il existe deux possibilités de transmission : à la génération suivante au sein de la famille ou à des tiers. Le premier cas de figure représente encore plus de 50 % des successions d’entreprises. Zoom sur les transmissions d’entreprise dans la famille.
Lors de tout règlement de succession, il est important que les membres de la famille réfléchissent suffisamment tôt entre eux et avec toutes les personnes concernées. Cela permet d’échanger les opinions et d’explorer les possibilités. Le thème de la succession est toujours empreint d’émotions et d’opinions très diverses de la part des personnes concernées et peut entraîner des conflits ou des blocages à un stade précoce. C’est précisément pour cette raison que la succession doit généralement être réglée en plusieurs étapes. Le recours à des conseillères et conseillers externes peut aider à maîtriser ce processus de manière à révéler et à prendre en compte tous les besoins et préoccupations pour l’avenir. Si les entretiens sont animés par une personne neutre, il est en outre possible de s’assurer que toutes les parties impliquées et supposées non impliquées sont intégrées et que les thèmes prioritaires sont traités lors des réunions.
À partir des connaissances acquises et des points de vue partagés, il s’agit de définir d’autres étapes et de poursuivre les discussions jusqu’à ce que l’on trouve une solution acceptable pour toutes les parties prenantes si possible. Cela demande du temps et de l’espace. Ce n’est qu’ensuite qu’il faudra entamer la mise en œuvre détaillée, structurée et axée sur les chiffres.
Exemple concret
Trois frères sur quatre, qui sont également les seuls actionnaires de l’entreprise, sont sur le point de partir à la retraite. Deux frères dirigent chacun deux domaines de l’entreprise, équivalents. Tous les frères et sœurs ont eux-mêmes des enfants âgés de 17 à 30 ans. Une reprise de l’entreprise serait tout indiquée. Les frères gérants ne connaissaient pas la vision et les souhaits de l’autre concernant l’avenir de l’entreprise. Un « Atelier du futur » a donc été organisé avec les quatre familles. Ils se sont retrouvés en lieu neutre et treize des seize membres de la famille étaient présents. Au début, les participant·e·s devaient s’exprimer en plénum sur la manière dont ils/elles se voyaient en 2025.
La jeune génération a été invitée à indiquer si elle pourrait envisager de jouer un rôle dans l’entreprise à court ou à long terme ou si ses visions de l’avenir vont dans un tout autre sens. Ainsi, chacun connaissait le point de vue des autres sur l’avenir de l’entreprise.
Résultat : les deux dirigeants ainsi que leurs frères souhaitent se retirer totalement ou partiellement de l’entreprise au cours des prochaines années. La plupart de leurs enfants ont d’autres projets d’avenir et ne souhaitent pas reprendre l’entreprise. Deux des plus jeunes ont tout de même envisagé de la reprendre éventuellement. Ils n’ont toutefois pas assez d’expérience professionnelle pour assumer cette responsabilité le moment venu. Parmi les employés, il y avait des collaborateurs qui conviendraient très bien à une reprise, avec ou sans une jeune équipe familiale.
Ce cas actuel illustre très bien la complexité de la succession d’une entreprise familiale. D’autres réunions avec les parties prenantes suivront, au cours desquelles d’autres questions devront être clarifiées, comme :
- Qui reprend la direction jusqu’à ce que les membres de la famille potentiellement intéressés aient pris leur décision ?
- Jusqu’à quand peuvent-ils se décider ?
- Comment l’entreprise peut-elle garantir que les collaborateurs actuels ne se laissent pas déstabiliser d’ici là ?
- Des adaptations organisationnelles sont-elles nécessaires ? Si oui, lesquelles ?
- Comment, sur quoi et quand communique-t-on en interne et en externe ?
Il est également important d’assurer l’avenir des entrepreneurs sortants, qui doivent se poser les questions suivantes :
- Qui prend le lead dans le processus de succession ?
- La prévoyance financière pour la troisième phase de la vie a-t-elle été adéquate ? Si tel n’est pas le cas, que faut-il faire ?
- Existe-t-il des règlements/contrats pour l’évaluation des actions, ainsi qu’un pacte d’actionnaires, contrat de mariage, pacte successoral, etc. ?
- Comment les cédant·e·s envisagent-ils la collaboration avec les repreneurs/-euses ?
L’exemple montre clairement que la succession d’entreprise concerne non seulement de nombreuses questions à clarifier et de nombreuses parties prenantes, mais qu’elle est aussi liée à de fortes émotions. Cette question complexe doit être abordée et traitée le plus en amont possible. Si les personnes concernées ne parviennent pas à s’en sortir, un coach peut les accompagner de manière professionnelle dans le règlement de la succession.
Interview avec l’expert
Cinq questions brûlantes à Karl Zimmermann
Pourquoi environ 800 entreprises de nos branches sont-elles confrontées à un problème de succession imminent ?
Cela s’explique par le fait que ses propriétaires et membres du conseil d’administration ont déjà plus de 60 ans et ne se sont pas encore suffisamment occupés de leur succession.
Quels sont les principaux obstacles à la succession d’une entreprise familiale ?
L’interaction habituelle entre la famille et l’entreprise doit être redéfinie.
Au fil des ans, les familles d’entrepreneurs et les entreprises se coordonnent. Plus la famille et l’entreprise forment une équipe bien rodée, plus cela influence positivement les résultats de l’entreprise. Lors du règlement de la succession, ces structures sont rompues et une nouvelle répartition des rôles entre la famille et l’entreprise s’opère.
Le plus grand problème des patrons qui se retirent est souvent de savoir comment organiser leur propre avenir. En effet, après avoir quitté l’entreprise, on entre dans une phase où le temps libre est à profusion. Les entrepreneuses et entrepreneurs qui mettent tout leur cœur dans leur entreprise n’ont souvent que peu de temps à consacrer à leur vie privée... jusqu’à ce qu’ils transmettent leur entreprise. De nombreuses relations d’amitié et de camaraderie naissent de contacts professionnels.
« De nombreux problèmes de succession surviennent parce que, dans l’agitation du quotidien, on ne trouve pas les mots et on n’aborde pas ce sujet. »
Comment réussir ce changement ?
Il est toujours impressionnant de voir à quel point une discussion entre les deux générations est la clé du succès. De nombreux problèmes de succession surviennent parce que, dans l’agitation du quotidien, on ne trouve pas les mots et on n’aborde pas ce sujet. Ce n’est qu’en acceptant le passé et le présent que l’on peut organiser librement son avenir.
Par quoi commence un conseil et quel est son objectif ?
Dans une entreprise familiale, le conseil commence, selon la situation, par des entretiens individuels ou un « Atelier du futur » avec toutes les personnes importantes pour le cédant, divisé en trois phases.
La première phase est un état des lieux qui mène à la seconde phase, celle de la représentation de l’avenir, en passant par l’analyse critique du passé. Il s’agit ici d’exposer sans préjugés les visions de toutes les parties prenantes. L’évaluation a lieu au cours de la troisième phase, dont l’objectif est d’aborder la succession sur la base de la variante réaliste. En tant que coach, je ne détermine pas le contenu, mais le déroulement des entretiens, je résume les résultats et les objectifs et je discute d’autres possibilités tirées de mon bagage d’expériences.
Souhaitez-vous ajouter quelque-chose ?
Depuis que je m’intéresse de près au thème de la succession, je constate avec plaisir que la prochaine génération est prête à diriger nos entreprises. On trouve également le successeur manquant. Cela demande de l’assiduité, de la volonté et de procéder de la bonne manière. ■