Construction en acier

Pas une pile ordinaire de conteneurs

Texte : Daniela Meyer / Photos : Jan Bitter et Max Schroeder 

Warnemünde dispose certes d’un port, mais les conteneurs ne font pas partie du paysage de cette station balnéaire de la Baltique. Ce sont essentiellement des paquebots et des voiliers qui y jettent l’ancre. Pourtant, juste à côté du chantier naval, on aperçoit un empilement coloré de conteneurs maritimes. Bientôt, il s’avère rapidement que ceux-ci ne servent plus au transport de marchandises : la disposition décalée est inhabituelle et les conteneurs de fret n’ont pas de fenêtres. « Dock Inn » annoncent les lettres lumineuses qui ressortent sur la façade, indiquant clairement qu’il s’agit d’une auberge.
Cette auberge de jeunesse accueille les globe-trotteurs qui voyagent au bord de la Baltique pour ses vagues, son vent et ses plages de sable blanc. Au « Dock Inn », ils trouvent un hébergement abordable et un lieu où rencontrer leurs semblables. En effet, le socle de deux étages, entièrement vitré, abrite à côté de la réception un restaurant, un espace de coworking et une salle d’escalade de blocs. Ici déjà, on trouve l’un ou l’autre conteneur transformé qui donne aux espaces de séjour un air maritime. Trois cages d’escalier massives conduisent aux conteneurs empilés plus haut et dans lesquels se trouvent les chambres. Comme sur un navire de transport, les conteneurs sont reliés verticalement entre eux par des twistlocks insérés dans les coins. Ponctuellement, des plaques en plat d’acier servent d’assemblages horizontaux. Ainsi, des modules isolés donnent naissance à un corps solide. Enfin, les contreventements en plat d’acier fixés au niveau des côtés frontaux des conteneurs leur assurent une résistance au vent.

 

Protection incendie

En construisant avec des conteneurs maritimes, les planificateurs impliqués se retrouvent souvent dans une situation où aucune norme ni aucune prescription claire n’existent. Toutefois, toutes les mesures de sécurité sont à respecter. Souvent, le résultat final dépend de l’ingénieur de contrôle responsable, car toutes les évaluations des autorités compétentes ne sont pas similaires. Dans le cas du « Dock Inn », où les conteneurs ont été laissés apparents, la protection incendie a présenté un défi particulier. Puisqu’aucun habillage n’entrait en ligne de compte, il a fallu prévoir une issue de secours en dehors de conteneurs, afin d’être en conformité avec les classes de résistance au feu. La structure frontale et ouverte en acier pour accéder aux chambres sert donc également d’issue de secours. Elle se compose de profilés HEB de différentes dimensions, galvanisés à chaud et boulonnés les uns aux autres. Cette structure est un peu surdimensionnée par rapport à ce qu’exigent les charges appliquées. Ainsi, elle pourrait toujours exercer sa fonction d’issue de secours si un poteau venait à tomber. Des éléments préfabriqués en béton reposent sur les poutres en acier et sont aussi prévus pour empêcher la propagation du feu. Les contreventements installés sous ces éléments assurent également la rigidification nécessaire.

 

« Cette structure est un peu surdimensionnée par rapport à ce qu’exigent les charges appliquées. Ainsi, elle pourrait toujours exercer sa fonction d’issue de secours si un poteau venait à tomber. »  

 

Tout comme les conteneurs, le passage couvert s’appuie sur le plafond en béton du socle. Les poteaux HEB sont ainsi boulonnés à un pied en acier dont l’embase est à son tour boulonnée dans le plafond en béton. Un appui en élastomère sépare les deux structures. Les embases des poteaux de conteneurs sont en revanche soudées sur des plaques de montage en acier, également ancrées dans le plafond en béton.
Son apparence hors du commun, le « Dock Inn » la doit à la disposition décalée des 76 conteneurs qui rend partiellement apparentes les parois latérales colorées. Une nouvelle couche de peinture leur confère un aspect pixelisé coloré, tout en les protégeant de la corrosion. La préparation des conteneurs pour leur nouvelle vie s’est déroulée en partie à l’usine et en partie sur le chantier. L’application de la peinture et le retrait de certaines parois longitudinales, et donc l’installation nécessaire de renforts, ont été réalisés à l’usine. Le vitrage qui remplace les portes du côté frontal ainsi que les nouvelles portes ont en revanche été installés sur le chantier.

Complexité de la statique et de la physique du bâtiment

La clientèle pénètre dans sa chambre double ou son dortoir de quatre personnes par une porte dans la paroi longitudinale et se retrouve dans un petit espace de vie orienté vers le passage couvert. Un étroit couloir passe à côté de la salle de bain et mène à l’espace nuit, situé au calme à l’arrière du bâtiment. Cette répartition de l’espace entre séjour et nuit se retrouve aussi dans les suites et les dortoirs de huit personnes, qui se composent de deux conteneurs assemblés. Dans ce cas de figure, une paroi latérale a été retirée sur chaque conteneur, qui ont donc dû être renforcés. À la place d’une paroi double, on trouve désormais côte à côte au milieu de la chambre deux poteaux en acier constitués de profilés creux 90/50/10. Ceux-ci redirigent les charges vers les poutres de rive dans le sol des conteneurs. Autre renfort : au niveau de l’isolant de certains conteneurs, on trouve une structure en treillis composée de profilés carrés creux verticaux 90/50/10 et de tirants diagonaux 60 × 5 mm, qui redirigent les charges vers les nœuds d’angle. Les côtés frontaux des conteneurs sont renforcés par des portiques composés de poteaux et de traverses (profilés creux de différentes dimensions) et ponctuellement rigidifiés par des tirants diagonaux.

 

Chaque chambre arbore un sol et des parois monochromes ainsi que du mobilier encastrable en bois: un choix de matériaux qui souligne les dimensions extrêmes des espaces et donne aux chambres l’ambiance d’une cabine de bateau. L’aménagement intérieur a été effectué sur le chantier, assurant ainsi le respect de toutes les exigences en matière d’isolation thermique, d’insonorisation et de protection incendie. Par rapport à un conteneur de 40 pieds vide dont l’intérieur mesure 12,19 m × 2,44 m × 2,70 m, les chambres standards présentent encore une longueur de 11,72 m pour une largeur de 2,09 m. L’utilisation de conteneurs de type « high cube », 30 cm plus haut que le modèle standard, a permis d’obtenir une hauteur de 2,43 m. Afin de protéger l’isolant sous vide, la fixation du mobilier encastrable a seulement été possible à certains endroits prédéfinis, ce qui a nécessité une planification détaillée et une réalisation minutieuse. Il a fallu attendre la fin de l’aménagement des conteneurs pour retirer les échafaudages et installer la structure des passages couverts.

 

 

Chambre à double orientation

Dans le cas du « Dock Inn», comme dans la plupart des constructions à base de conteneurs, un nouveau toit permet de garder l’ensemble au sec. La différence est déterminante en fonction de ce que contient le conteneur: des palettes empilées ou un lit d’hôtel récemment fait. Le cabinet berlino-zurichois Holzer Kobler Architekturen, responsable de la planification et de la conception, avait déjà acquis de l’expérience dans les structures à base de conteneurs avant l’auberge de Warnemünde. Les architectes estimaient que l’effort à consentir pour adapter les conteneurs à leur nouvelle utilisation et respecter les dispositions applicables était considérable. Au regard de la durabilité, ils doutaient que la réutilisation de conteneurs maritimes pour des projets d’hébergement présente des avantages par rapport à une structure modulaire conventionnelle. Dans le cas du « Dock Inn», les conteneurs ont été transportés vides à Warnemünde – une approche que l’on essaie si possible d’éviter dans le secteur du fret. Ensuite, les éléments pour l’aménagement ont été livrés séparément. La construction modulaire conventionnelle, qui s’appuie sur des processus normalisés et dans le cadre de laquelle les pièces sont fabriquées sur des lignes de production spéciales, convient bien mieux pour les ouvrages à grande échelle.   ■