décembre 2024
décembre 2024
Bernhard von Mühlenen.
Bernhard von Mühlenen.

 

IInterview/Questions à Bernhard von Mühlenen, directeur d’AM Suisse

Les entreprises agiles et innovantes continueront de prospérer !

Bernhard von Mühlenen est directeur d’AM Suisse depuis juillet 2021. Auparavant, il dirigeait le secteur Construction métallique chez Senn AG à Oftringen. « metall » l’a interrogé sur la situation actuelle de la construction métallique et en acier en Suisse.

Texte et photo : rédaction

Monsieur von Mühlenen, y a-t-il quelque chose qui vous manque en tant que fonctionnaire de l’association quand vous repensez à l’époque où vous étiez dans la construction métallique opérationnelle ?
Rien ne me manque, même si cette époque a été très enrichissante. Je garde contact avec de nombreux collègues de l’époque. Surprendre et convaincre des clients par des solutions techniquement intelligentes et efficaces a toujours été quelque chose de spécial. Dans mon rôle actuel, la situation n’est pas très différente : dans l’association comme dans la construction, il faut garder une vue d’ensemble, tenir compte des intérêts et ne pas trop se laisser détourner de son chemin. L’amour du détail et des solutions créatives restent déterminants.

De quels succès de l’association êtes-vous particulièrement fier et quels sont vos projets pour l’année à venir ?
La cohésion nationale des branches de la construction métallique, de façades et en acier, qui fonctionne très bien malgré une concurrence acharnée, constitue un grand succès. Nous sommes heureux qu’au-delà de leur métier et de leur famille, autant de personnalités s’investissent dans les commissions, comités et groupes d’experts de l’association, qu’elles s’engagent avec passion dans la branche et intègrent régulièrement des membres plus jeunes. C’est le cas à l’assemblée nationale des délégués ou aux assemblées régionales, où un dialogue précieux a toujours lieu.
C’est en étroite collaboration avec Suissetec, sous l’égide de constructionsuisse, que nous avons obtenu notre plus grand succès politique en 2024, avec l’annulation par le Conseil des États du doublement à 10 ans du délai de prescription pour les défauts de construction (art. 371 CO), déjà décidé par le Conseil national.
Pour 2025, je me fixe pour objectif d’accroître encore notre travail politique et notre visibilité et de lutter contre une bureaucratie et un appareil étatique boursouflés. Nous devons encore être plus présents et plus clairs sur la durabilité, afin que les maîtres d’ouvrage et les politiques ne fassent pas fausse route.

Comment évaluez-vous la conjoncture actuelle sur le marché suisse de la construction métallique et quelle évolution prévoyez-vous à moyen et long terme ?
La construction suisse n’a pas connu d’aplatissement significatif de la conjoncture ces dernières années, seulement des fluctuations régionales ou selon les segments de marché. Certaines entreprises ont dû fermer, souvent par manque de relève, tandis que d’autres ont connu des croissances diverses. Je suis convaincu que les entreprises innovantes et agiles continueront à prospérer, tandis que les entreprises aux méthodes traditionnelles devront lutter plus durement. Je m’inquiète toutefois des exportations, qui se sont enrayées face à la conjoncture européenne et mondiale. Je crains que cela ne reporte indéfiniment de nombreux projets d’extension et de rénovation.

Pensez-vous que la région DACH deviendra un marché unique dans la construction métallique et en acier ?
Remarque de la rédaction : L’abréviation DACH désigne les pays Allemagne (D), Autriche (A) et Suisse (CH).
Je ne vois aucun argument dans ce sens pour l’avenir et aucune utilité réelle. Pour des raisons de durabilité, il n’est pas judicieux de transporter des façades, des ponts, des balustrades ou des éléments en bois sur des milliers de kilomètres. À long terme, le client prévoyant appréciera toujours la proximité géographique de l’entreprise, ou du moins l’apprendra douloureusement si le prestataire prétendument meilleur marché n’est pas joignable à distance pour la couverture de garantie et les réparations.

La construction en bois inquiète-t-elle la construction métallique et en acier ? Quelles mesures la branche du métal et de l’acier prend-elle pour positionner l’acier et l’aluminium comme matériaux de construction et rivaliser avec le bois ?
Ces 40 dernières années, l’industrie suisse du bois a fourni un excellent travail de fond à tous les niveaux, avant même de devenir « verte ». AM Suisse et Metaltec Suisse s’engagent clairement en faveur de la construction hybride et ne souhaitent pas opposer les matériaux de construction. Nous exigeons toutefois des conditions-cadres équitables et un système d’évaluation réellement neutre. Chaque matériau a sa raison d’être s’il est utilisé au bon endroit. Nos activités respectent ces principes. Personnellement, je me demande s’il est pertinent de construire des passages à faune, des caves ou des structures porteuses de ponts non protégées en bois. Peut-être est-ce lié à ma propre expérience professionnelle : en 2020, avec un collègue bernois, nous avons démonté un pont en bois de 100 mètres de long de 2007, que nous avons ramené à une usine d’incinération des ordures ménagères pour élimination, car en seulement 10 ans, il avait été endommagé de façon quasi irréparable par les intempéries. Bien sûr, nous l’avons remplacé par un pont en acier. Les apprentis de Metaltec Fribourg font la même chose en ce moment. Ils remplacent la passerelle en bois « Autigny-Posat », longue de 23 m et âgée d’à peine 20 ans, par un superbe pont suspendu en acier zingué à chaud.

Comment évaluez-vous la volonté d’innovation des ingénieurs civils et architectes suisses?
Quoi qu’il en soit, beaucoup de grands esprits et de mains habiles sont à l’œuvre. Les nouvelles générations d’ingénieurs civils et d’architectes créatifs misent notamment plus sur l’aluminium, le verre et l’acier, tant dans le bâtiment que dans la construction de ponts. Ils utilisent déjà très intelligemment les « parametric design tools », et l’IA prendra bientôt une place adéquate dans la conception et la planification. Certains se plaignent toutefois que les maîtres d’ouvrage les poussent souvent à opter pour des solutions en bois qui, de leur point de vue, ne sont pas toujours le meilleur choix. Ils expérimentent également le concept de réutilisation et utilisent de manière ciblée et habile d’anciens éléments de construction et produits semi-finis issus de démantèlements ou transformations.

Vous avez mentionné au début être parvenu à convaincre le Conseil des États d’annuler en juin 2024 le doublement du délai de prescription pour les défauts de construction décidé par le Conseil national. Comment cela a-t-il été possible ?
Il faut remercier pour cela notre système parlementaire bicaméral. Nous avons été informés que l’ancien objet 22.066 avait été soumis au vote du Conseil national à l’automne 2023, par surprise et sans grand travail préalable. Nous avons alors pris le temps de fournir aux parlementaires le contexte nécessaire avec une information ciblée. De nombreux entretiens nous ont permis d’expliquer les conséquences d’un doublement. Ils ont ainsi rapidement compris qu’une prolongation du délai de prescription serait préjudiciable à toutes les parties. La construction deviendrait plus chère et plus compliquée et, en fin de compte, seuls les juristes en construction en profiteraient. L’ensemble des échanges parlementaires sont consultables en saisissant la référence 22.066.

Dans le secteur suisse de la construction, les prestations de garantie des entreprises en charge des travaux font débat. Dans quelle mesure peuvent-elles poser un danger existentiel pour l’entreprise ?
Les prestations de garantie peuvent tout à fait compromettre la solvabilité et la liquidité d’entreprises financièrement stables. Malheureusement, des garanties de restitution d’acomptes, de bonne exécution et de bonne fin sont parfois exigées en parallèle pour protéger le maître d’ouvrage à plusieurs égards – c’est presque comme si l’on installait en même temps des bretelles, une ceinture, un bouton de pantalon et une fermeture éclair sur des leggings. Le cautionnement solidaire (selon l’art. 496 CO/l’art. 181 SIA 118) a fait ses preuves en tant que garantie fiable lorsqu’il est conçu de manière équitable et en partenariat, sur des durées logiques. Dans le cas de la garantie abstraite (art. 111 CO), le garant (p. ex. une banque) est tenu d’effectuer le paiement à la première demande, indépendamment de la dette de l’entrepreneur. Ces paiements doivent généralement être refacturés par le garant à l’entrepreneur, ce qui peut s’avérer coûteux et pénible pour l’entrepreneur. La situation est encore plus problématique lorsque le donneur d’ordre utilise ce moyen de pression pour imposer des rabais ou déductions injustifiés. Nous avons repris ce thème dans la motion 23.4079 de Diana Gutjahr lancée par des représentants de la branche et des membres de l’association et nous continuerons à nous engager fortement en ce sens.

L’Union Européenne du Métal fait-elle progresser l’internationalisation des entreprises de construction métallique et en acier ?
Le dialogue international est extrêmement précieux et relativise parfois les préoccupations locales de chacun. Toutefois, les ressources des associations participantes sont limitées. Les thèmes centraux restent la durabilité et l’égalité de traitement de tous les matériaux de construction dans les comparaisons et analyses.

www.metaltecsuisse.ch    ■