avril 2022
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L’Ukraine et la Russie font partie des cinq plus grands exportateurs nets d’aciers et de produits intermédiaires au monde.
L’Ukraine et la Russie font partie des cinq plus grands exportateurs nets d’aciers et de produits intermédiaires au monde.

metal.suisse

La pénurie d’acier et de métal aggravée par la guerre en Ukraine

L’invasion russe en Ukraine engendre d’immenses souffrances humaines dans un pays européen. Elle va aussi accentuer les pénuries sur les marchés de l’acier et du métal. Le jour même de l’offensive russe, les prix de nombreux métaux ont subi une nouvelle hausse subite.

Texte : metal.suisse / Photo : Redaction

Les marchés européens ont connu d’importants problèmes d’approvisionnement en matériaux métalliques l’an dernier. Fin 2021, début 2022, une amélioration s’est fait sentir pour certains produits tels que les aciers de construction ; l’approvisionnement en aluminium ou en tôles d’acier restait en revanche très difficile. La guerre en Europe orientale anéantit ces premiers espoirs de reprise. Les prix de nombreux métaux, déjà élevés, s’envolent depuis le début de la guerre.
La guerre ne paralyse pas seulement l’économie de l’Ukraine. Les sanctions prises par l’Union européenne à l’encontre de la Biélorussie et de la Russie entravent les échanges commerciaux avec ces pays. Ainsi, le groupe sidérurgique Severstal a cessé de fournir l’Union européenne suite aux sanctions infligées à son principal détenteur, l’oligarque Alekseï Mordachov. Cette source de matières premières n’existe donc plus.
L’Ukraine et la Russie font partie des cinq plus grands exportateurs nets d’aciers et de produits intermédiaires au monde. La région de la CEI est une source d’approvisionnement importante en bobines de tôle laminées à chaud pour les clients européens (voir encadré). En Ukraine, la société Metinvest a fermé ses sites de production à Marioupol, dans le sud du pays, tandis que le groupe ArcelorMittal a également annoncé réduire la production à Kryvyi Rih. Avec la destruction d’Azovstal le 19 mars 2022 pendant le combat, l’une des plus grandes aciéries européennes de produits sidérurgiques semi-finis (billettes) se trouve durablement hors service. L’attaque des villes portuaires du sud de l’Ukraine a totalement paralysé le marché de la mer Noire, ce qui signifie, entre autres pour le vaste marché turc, qu’il faut chercher de nouvelles sources. Par ailleurs, des milliers de chauffeurs ukrainiens ont été mobilisés pour la guerre et ne sont plus disponibles.
La pénurie d’aluminium et de palladium inquiète profondément l’industrie européenne. Le groupe russe Rusal notamment est le second producteur d’aluminium du monde. La crainte que la Russie ne réduise ses livraisons de métaux essentiels tels que l’aluminium, le nickel et le palladium, en représailles aux sanctions occidentales, a entraîné des hausses de prix si massives au London Metal Exchange que le négoce de certains produits a dû être suspendu. Dans le cas du nickel, c’est le groupe Nornickel Norilsk qui est aux commandes. En 2019, la Russie était le troisième pays extracteur de nickel après l’Indonésie et les Philippines. Pour le nickel raffiné, la Russie occupe la deuxième place. Ce métal entre avant tout dans la composition de l’acier inoxydable et d’autres produits essentiels tels que les batteries. À l’heure actuelle, il sert en premier lieu à fabriquer les batteries de voitures électriques. Ici aussi, les prix atteignent des niveaux records. La Russie joue par ailleurs un rôle essentiel dans la production d’autres métaux. Ainsi, le pays contrôle 50 % du marché mondial du palladium, et le groupe russe VSMPO-Avisma est le premier fournisseur mondial de titane.
La guerre a d’autres conséquences graves sur les marchés : la nette augmentation des coûts de transport et les goulets d’étranglement combinés à la forte hausse des prix du gaz et de l’énergie renchérissent les produits. La menace d’une pénurie de gaz rend la situation encore plus critique, car les entreprises de production ont besoin de cette matière première en quantités considérables. L’imprévisibilité de la situation actuelle crée également une certaine incertitude qui fait encore grimper les prix.

Hausse des prix considérable et risque de pénurie

Pour ce qui est de l’approvisionnement du marché suisse en aluminium et en acier, la situation actuelle a entraîné une augmentation considérable des prix à court terme. Les négociants et les importateurs savent aussi qu’ils ne sont pas à l’abri d’une pénurie. De premières usines ont déjà annoncé réduire leur production en raison des coûts énergétiques élevés et ne pas pouvoir donner entièrement suite à toutes les demandes. Pour l’heure, les difficultés de livraison concernent surtout l’acier d’armature. Thomas Freuler, président de l’Association Suisse du Commerce de l’Acier et de la Technique du Bâtiment ASCA, indique que les quantités demandées ne peuvent plus être livrées : « Pour nos clients du bâtiment, les problèmes ne se réduisent pas à l’augmentation des prix. Ils doivent aussi s’attendre à des retards de livraison, dus au manque de matières premières sur le marché. » Les clients ont déjà dû renoncer à certains produits en 2021, et voilà que la pénurie vient aggraver la situation des utilisateurs. Par le passé, la pression sur les prix était déjà énorme vis-à-vis des constructeurs d’acier, de métal, de fenêtres et de façades. L’an dernier, le prix élevé des produits avait entraîné l’érosion des marges restantes. La situation actuelle est donc d’autant plus grave pour de nombreuses PME.
Diana Gutjahr, présidente de l’association faîtière metal.suisse, ne cache pas son inquiétude : « Au vu des souffrances humaines et de la catastrophe humanitaire, nous soutenons les sanctions contre la Russie. Mais elles ont des répercussions économiques en Suisse. Les prix des principaux matériaux de construction et industriels vont augmenter et les coûts des entreprises vont exploser. Il faut tirer des leçons de cette situation. »

 

« De même que pour l’énergie et le gaz, il faut également pouvoir garantir l’approvisionnement en métaux. » Diana Gutjahr, présidente de l’association faîtière metal.suisse

 

Réduire les dépendances grâce à l’économie circulaire

Gutjahr demande au Conseil fédéral de tirer des leçons de cette situation. De même que pour l’énergie et le gaz, il faut également pouvoir garantir l’approvisionnement en métaux. Nous sommes fortement dépendants des marchés internationaux. De nombreux sites de production ont été supprimés par le passé. L’économie circulaire montre comment diminuer les situations de dépendance à l’avenir. Pour ce faire, la Suisse devrait en venir à considérer la ferraille produite sur le territoire helvétique comme une matière première et à l’utiliser. Les aciéries à Emmenbrücke et Gerlafingen accomplissent un travail important dans ce domaine. Actuellement, le débat qui entoure le financement du développement des énergies renouvelables risque de pénaliser le recyclage en Suisse qui est grand consommateur d’énergie. L’absence de stratégie durable globale sur la manière de mettre en œuvre la stratégie énergétique du Conseil fédéral et d’atteindre l’objectif « zéro net » est aussi source d’incertitude. En investissant massivement dans les technologies d’avenir permettant de réduire les émissions de carbone ces dernières années, les entreprises de production se sont déclarées en faveur de la Suisse. Il appartient maintenant au gouvernement de leur tendre la main et de réduire à long terme la dépendance de la branche vis-à-vis de l’étranger. Pour ce faire, il est nécessaire d’améliorer considérablement les conditions du recyclage afin de ne pas mettre en péril ce secteur économique important et la production nationale.

Importations de produits plats et longs
En 2020, l’Union européenne a importé au total environ 21 millions de tonnes d’acier laminé en provenance de pays tiers, dont 16,5 millions de tonnes de produits plats et 4,5 millions de tonnes de produits longs. Les importations provenaient à
- environ 15 % de Russie,
- près de 8 % d’Ukraine,
- 3 % de Biélorussie.
Ces trois pays réunis représentaient donc environ 26 % des importations d’acier laminé en provenance de pays tiers dans l’Union européenne.

Importations de tubes d’acier et de tubes profilés
En 2020, l’Union européenne a importé au total environ 2,6 millions de tonnes de tubes d’acier et de tubes profilés en provenance de pays tiers. Les importations provenaient à
- près de 12 % de Russie,
- environ 8 % d’Ukraine,
- environ 3 % de Biélorussie.
Ces trois pays réunis représentaient donc au total près de 23 % des importations.

Importations de billettes d’acier et de produits semi-finis en acier
Les importations de billettes et de produits semi-finis en acier fournissent des informations presque encore plus intéressantes. Ces matériaux servent d’intrants pour le laminage consécutif. L’Union européenne en a importé au total 7,3 millions de tonnes en 2020. Les livraisons se répartissent comme suit :
- Près de 50 % proviennent de Russie.
- Près de 40 % d’Ukraine.
Pour ce qui est des billettes et des produits semi-finis, les importations de ces deux pays jouent donc un rôle déterminant. Elles représentent près de 90 % des importations en provenance de pays tiers. La Suisse est concernée dans la mesure où les produits finis que nous importons dépendent de ces intrants.

 

metal.suisse
En tant qu’association faîtière, metal.suisse promeut la construction en acier, en métal et de façades en Suisse et s’engage en faveur du cycle des matériaux métalliques. L’association est convaincue de pouvoir apporter une contribution essentielle à la réalisation des objectifs climatiques de la Suisse grâce à ses méthodes de construction et à ses matériaux. Les matériaux recyclés sont aujourd’hui standard. metal.suisse encourage les concepts de récupération et de réutilisation des bâtiments et des éléments de construction et soutient leur mise en œuvre. ■