septembre 2024
septembre 2024
Halle longitudinale de 24 mètres lors de l’étape d’agrandissement en 1958.
Halle longitudinale de 24 mètres lors de l’étape d’agrandissement en 1958.

 

Construction en acier

Aciérie de Schaffhouse – Transformation au goût du jour

Densification de la construction, conversion et préservation du patrimoine industriel, telles étaient les exigences centrales du projet de l’aciérie. Le quartier schaffhousois de Mühlental a un nouveau visage depuis 2022. En cinq ans, la friche industrielle a laissé place à des habitations, des bâtiments commerciaux et des installations destinées à la communauté. Première publication / Source : revue « steeldoc »

Texte: professeure, architecte et docteure en ingénierie Susanne Rexroth / Images: Ulmer Ledergerber Architekten AG

Au cœur du complexe se dressent deux halles longitudinales adjacentes s’étendant du nord au sud. Leur imposante structure en acier reste perceptible de loin, même après la transformation. Aujourd’hui, le site est classé «bien culturel d’importance nationale».
Fondée en 1939 par Georg Fischer et construite par l’architecte Emil Rudolf Mewes, l’usine a connu de nombreux agrandissements avant de fermer ses portes en 1991. Le changement de tracé de la Mühlentalstrasse et la démolition de la fonderie en 1943 ont entraîné les interventions les plus considérables. Les deux halles longitudinales, délimitées au nord par deux autres constructions transversales, ont été prolongées à partir de 1956 vers le sud et complétées sur les côtés par des bâtiments périphériques de hauteurs différentes servant de hangars et d’ailes administratives. Avec son enveloppe en briques et ses fenêtres hautes et étroites en simple vitrage entouré de profilés métalliques, le bâtiment périphérique du côté ouest forme l’immanquable façade donnant sur la rue.

 

Respecter ce témoin de l’histoire

Dans le cadre de sa transformation en aile commerciale, la moitié sud de la halle de 20 mètres a été complètement démontée pour ne garder que sa structure en acier. Cinq bâtiments y ont été intégrés selon le principe de la «maison dans la maison». Une coupe de séparation a été réalisée au niveau des poutres principales de la halle. Un élément en acier soudé composé d’une plaque frontale et d’une console à gauche et à droite de l’âme relie la poutre relie au plancher en béton. Cette plaque est boulonnée à la façade et la poutre repose sur l’élément en acier par l’intermédiaire de paliers lisses en néoprène.
On accède aux bâtiments de trois à quatre étages par l’espace ouvert créé entre la halle et le bâtiment périphérique. La démolition partielle du toit et de sa frise forme une trouée lumineuse et met en valeur les rangées de poteaux. Les ruelles entre les bâtiments permettent de porter le regard jusque dans la halle de 24 mètres. Trois des nouveaux édifices (C, D et E) sont adjacents à l’ancienne façade ouest de la construction périphérique. Ils y sont reliés par un profilé FLA 80/20 S 235, scellé dans les planchers en béton des bâtiments sur une longueur d’environ 35 cm, puis soudé aux poteaux de la façade. Emblématiques, les hautes fenêtres à meneaux d’origine ont été dotées d’une façade vitrée intérieure, si bien qu’il en résulte une sorte de double vitrage. Cette démarche a permis de préserver l’esthétique initiale tout en améliorant l’efficacité énergétique. Les trois bâtiments sont directement accessibles depuis la Mühlentalstrasse. Le E accueille une école tandis que le D abrite aujourd’hui des organisations dédiées à la santé et au service public comme la Ligue contre le cancer, la Ligue pulmonaire, Pro Infirmis et l’antenne schaffhousoise de diabète suisse. Gérée par une association, l’église dans l’aciérie propose un projet de charité axé sur les besoins. Elle n’est pas pensée comme un bâtiment, mais plutôt comme un espace d’interaction sociétale. La partie nord de l’édifice (halle H) a aussi été démontée pour ne conserver que la structure en acier.

Vue à travers l'ancienne salle.
Vue à travers l'ancienne salle.

 

Deux bâtiments y ont été intégrés selon le principe de la maison dans la maison. L’un accueille les bureaux schaffhousois de l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) et de la Ligue suisse contre le rhumatisme, deux autres organisations d’utilité publique. La seconde a notamment pu y installer sa piscine thérapeutique. Cette concentration en un seul et même lieu permet aux organisations de mieux coopérer et de limiter le temps de trajet des visiteuses et visiteurs souffrant souvent de plusieurs maladies. Le site peut de la sorte répondre à de nombreux besoins, notamment avec un espace de rencontre pour personnes avec ou sans handicap. 

Vue depuis le balcon sur les travées de liaison soudées.
Vue depuis le balcon sur les travées de liaison soudées.

 

De la halle industrielle au jardin urbain

La halle longitudinale de 24 mètres se trouve au cœur de ce nouveau quartier. Elle permet d’approvisionner les commerces de sa consœur de 20 mètres, mais aussi d’accéder aux huit tours de la zone résidentielle est. Devant les immeubles d’habitation, les puits de lumière ont été retirés pour offrir une meilleure luminosité, ouvrir l’espace et dégager la vue sur la halle. Dans les travées restantes, leur ossature a été conservée et les vitres en verre armé récupérées sur les structures démontées ont servi à remplacer le vitrage au besoin. Une fois libérés de la rouille, leurs portiques ont été enduits d’une protection moderne contre la corrosion. La couronne porteuse et le revêtement de toit bituminé ont été recouverts de tôle de zinc ignifugée, car les abords des puits de lumière conservés devaient présenter une classe de combustibilité RF1 selon la norme AEAI-DPI 13-15 afin d’éviter toute propagation d’incendie aux immeubles. Côté ouest, la frise de toit a été gardée sur toute la longueur de la halle. Le long de la façade est, la maçonnerie a été retirée, si bien que les travées en acier du toit y sont désormais à nu. Les appartements profitent ainsi de plus de luminosité et d’une vue dégagée sur les halles. Les travées ont été enduites d’une protection contre la corrosion.

« Les travées ont été enduites d’une protection contre la corrosion. »  

Parallèlement à son rôle d’axe de connexion, la halle de 24 mètres a été transformée en jardin urbain. Sa superficie de 7200 m 2 est désormais segmentée en une multitude de zones équipées de mobilier d’assise et alterne entre espaces ouverts ou couverts au rythme des puits de lumière démontés ou préservés. Cette interaction se retrouve aussi dans le revêtement de sol et l’éclairage. L’attraction principale est sans conteste un ruisseau d’eau pluviale s’écoulant le long de la halle et rappelant la rivière Durach canalisée jadis sous l’aciérie.

Emblématiques, les hautes fenêtres à meneaux d’origine ont été dotées d’une façade vitrée intérieure, si bien qu’il en résulte une sorte de double vitrage.
Emblématiques, les hautes fenêtres à meneaux d’origine ont été dotées d’une façade vitrée intérieure, si bien qu’il en résulte une sorte de double vitrage.

 

En forme pour la formation continue

Le caractère des halles de l’usine devait être préservé. Certaines poutres en acier ont été retirées pour ne pas gêner le fonctionnement des installations de chantier et la logistique, puis replacées. Afin de vérifier la stabilité structurale en cas d’incendie, chaque pièce en acier située à moins de 2,5 m d’une fenêtre ou d’une façade sans résistance au feu a été contrôlée. Ces conditions concernaient les poteaux d’un axe dans la halle longitudinale de 24 mètres et les fermes de celle de 20 mètres. Les poutres de la première n’ont nécessité aucun renfort de la protection incendie, car elles présentent déjà des réserves de portance supplémentaires grâce aux charges de suspension résultant de leur ancienne fonction de chemin de roulement. À cet égard, elles sont même surdimensionnées. En cas de défaillance d’un poteau, elles reportent les charges sur ses voisins. Les poteaux devaient présenter une classe de résistance au feu F 30, confirmée par des calculs pour les profilés sous le chemin de roulement, tandis que ceux au-dessus ont été recouverts d’une protection.
Dans la halle longitudinale de 20 mètres, il restait chaque fois environ 50 cm de place entre la face inférieure des fermes métalliques et la surface des planchers en béton des bâtiments intégrés A, B et C. En cas d’incendie, la possibilité d’une défaillance des poutres de l’étage supérieur a été prise en compte. Celles-ci tomberaient sur le plafond du troisième étage. Une surcharge a été incluse dans la statique pour ce cas de figure.
Les édifices intégrés D et E dépassent de la structure en acier du bâtiment périphérique. Les fermes de ce dernier ont été séparées au niveau de son enveloppe et reposent sur la structure en béton. Pour ces poutres métalliques, une résistance au feu de R0 est exigée : la distance entre le bâtiment et l’ossature en acier s’élève à environ 3,0 m, et cette dernière est si robuste que la défaillance d’un poteau sous le chemin de roulement pourrait être compensée. La défaillance d’un poteau au-dessus du chemin de roulement a été prise en compte dans la statique comme pour les unités A, B et C.
Ces interventions préservent le caractère de l’ancienne usine dont les nouvelles affectations, axées sur l’intérêt général, contribuent au dynamisme local de ce nouveau quartier.    ■

 

Ancienne halle longitudinale centrale comme jardin urbain et espace extérieur marquant.
Ancienne halle longitudinale centrale comme jardin urbain et espace extérieur marquant.

 

Panneau de chantier

Objet :

Aciérie de Schaffhouse

Maître de l’ouvrage :

Karl Klaiber + Co., Schaffhouse

Ingénieur structure :

Wüst Rellstab Schmid AG, Schaffhouse

Architectes :

Ulmer Ledergerber Architekten AG, Schaffhouse

Achèvement des travaux :

2024